UN MODÈLE DE PROSPÉRITÉ INSPIRÉ DE LA NATURE

Peut-être ne le savez-vous pas mais, tout comme nous, les singes planifient leurs repas. Au cours de mes recherches se déroulant au Costa Rica, j’ai étudié le Congo (singe hurleur), le Titi (singe écureuil), le Capucin (singe à face blanche), l’Atèle (singe araignée). J’ai constaté que s’ils s’attendent à bien manger, ils ne se reposent jamais sur une sorte de « Providence ». En fait, ils s’organisent plutôt pour gérer leur garde-manger naturel.
Malheureusement, la majorité de ces espèces sont aujourd'hui menacées par la déforestation due à l’activité humaine. Pourtant, l’intelligence créative de la Nature a prévu depuis longtemps qu’il y ait une abondance de nourriture pour tous. Mais nous, les gorilles « sans poils », sommes tellement dénaturés que nous avons souillé notre propre jardin.

La grande flexibilité de nos
cousins simiens leur assure une certaine prospérité. Leur diète est variée et ils se déplacent facilement sur une distance de quatre ou cinq kilomètres par jour à la recherche de « bonnes affaires ». Les activités quotidiennes sont dictées par les saisons et la température mais, généralement, ils fourragent et mangent de l’aube à 10 heures puis, ils jouent et se reposent jusqu’en après-midi où le rituel alimentaire reprend jusqu’au coucher du soleil, moment où chacun se prépare au sommeil. Remplir leurs besoins de base n’occupe donc que six heures dans une journée sans stress.

Démontrant une étonnante capacité à s’adapter à différentes conditions, si une source de nourriture se raréfie due à la température ou à une perturbation majeure, les tribus se divisent en plus petits clans. Un groupe mangera alors une seule sorte d’aliment et laissera le reste de leur domaine vital aux autres. Cela leur permet de gérer sans compétition le chevauchement entre les espèces ou les communautés dans un même territoire. Mais, ce comportement met aussi en relief une forme
d’altruisme égoïste, une règle primordiale de gestion créative que l’on trouve de la Nature.

En fait, si l’espèce humaine agissait de cette façon, nous pourrions tous profiter d’une prospérité durable au lieu d’alterner entre les périodes d’abondance (croissance) et de disette (récession/dépression). C’est une magnifique idée mais, est-ce une utopie? Peut-être pour les deux milliards de personnes qui se réveillent chaque matin sans eau fraîche à proximité ou sans la promesse d’un repas décent. Pour eux, la notion même de prospérité est modeste et ressemble à un petit jardin.

N’empêche que cette utopie est une idée dont le temps est venu. D’ailleurs, le Secrétaire général des Nations-Unies, Ban Ki-moon, a récemment appelé à une « 
action révolutionnaire » en matière d’économie verte afin d’assurer un avenir durable. Selon lui, et de toute évidence, les postulats économiques qui ont dominé jusqu’à présent sont fondés sur une fausse croyance en l'abondance infinie des ressources naturelles.

M. Ban recommande que l’on prenne exemple sur les anciens qui ne discernaient pas entre leur propre personne et le monde naturel et qui vivaient en harmonie avec leur environnement. Il suggère qu’il est temps de renouer avec ce concept d'harmonie et de l'appliquer à nos économies et à nos sociétés.

Il invite donc tous les types d’organismes du secteur public et du secteur privé à traduire les principes d’économie verte et de développement durable –
préservation de l’environnement, progrès économique, justice sociale - dans leurs opérations quotidiennes. Mondialement pertinentes, les lignes directrices de la démarche normalisée de responsabilité sociale tourne autour de 7 questions centrales:
  1. La gouvernance de l’organisation. Placée au cœur de la démarche, cette question fait appel à la transparence et à la nécessité de rendre des comptes.
  2. Les droits de l’Homme. Ses domaines d’action incluent le devoir de vigilance, le respect des droits du travail ainsi que des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, l’élimination de la discrimination et la protection des groupes vulnérables, etc.
  3. Les relations et conditions de travail. Ce point touche particulièrement l’emploi et les relations employeur/employés, la santé et sécurité au travail, le dialogue social, et le développement du capital humain.
  4. L’environnement. Les domaines d’actions suggérés comprennent la prévention de la pollution, l’utilisation durable des ressources, l’atténuation des changements climatiques et l’adaptation, la protection de l’environnement, le respect de la biodiversité et la réhabilitation des habitats naturels.
  5. Les bonnes pratiques des affaires (loyauté des pratiques). On s’adresse ici à la lutte contre la corruption, l’engagement politique responsable, la concurrence loyale, la promotion de la responsabilité sociale dans la chaîne de valeur, le respect des droits de propriété, etc.
  6. Les questions relatives aux consommateurs. Cette question touche la consommation durable, les pratiques loyales en matière de commercialisation, d’informations et de contrats, la protection de la santé et de la sécurité des consommateurs, le service après-vente, etc.
  7. L’engagement social. Ce dernier point regroupe le développement local, l’implication auprès des communautés, l’éducation et la culture, la création d’emplois et le développement des compétences, la santé, l’investissement dans la société, la création de richesses et de revenus.

Quoique le temps nous fasse cruellement défaut, il importe de mettre en place les conditions nécessaires à garantir un futur durable et prospère aux prochaines générations. Après tout, si nos cousins les singes réussissent à gérer leurs ressources pour assurer leur survie et la croissance de leur espèce, qu’attendons-nous, grands penseurs devant l’infini, pour les imiter? Après tout, notre avenir à tous en dépend!