ALTRUISME-ÉGOÏSTE ET MUTUALISME

Les principes créatifs de gestion de la Nature nous offrent d’extraordinaires exemples de coopération, d’interdépendance, de stratégie, d’adaptabilité, de créativité et d’innovation qui s’appliquent parfaitement bien à la gestion de nos organisations.
Mais, si la majorité des dirigeants et des gestionnaires reconnaissent l’importance de ces pratiques dans le succès des organisations, très peu les intègrent de façon systématique dans leur propre entreprise.

Ainsi, malgré des changements importants dans les modes de gestion, il reste que, dans la jungle des affaires, on retrouve encore des comportements mesquins et des façons de penser réactives qui compromettent l’atteinte des objectifs et qui sapent le moral des employés. Encore trop souvent, l’attitude territoriale compétitive empoisonne le climat de travail et accroît le niveau de stress, de frustration et d’isolation.

Or, dans la Nature, les espèces ont peu de résistance à travailler pour le bien commun. Par exemple, l’
Acacia cornigera, un arbre tropical et subtropical, et une espèce de fourmi (Pseudomyrmex ferruginea) ont développé un mutualisme ingénieux qui assure leur survie respective. Contrairement aux autres acacias, cet arbre manque d’alcéloïdes amers qui se retrouvent dans les feuilles pour le protéger contre les insectes et les animaux. Les fourmis remplissent donc ce rôle protecteur en patrouillant sans relâche sur le feuillage. Implacables, dès qu’elles repèrent un intrus, elles foncent sur lui et le piquent jusqu’à ce qu’il prenne la fuite. S’il insiste, les fourmis émettent des phéromones d’alarme et une armée de leurs congénères accoure pour le chasser.

De son côté, l’
Acacia héberge et nourrit les fourmis, en plus de leur fournir l’espace pour les pouponnières et une diète riche en supplément pour leurs larves. Il sécrète des protubérances de gras, de sucre et de protéine très nutritives pour ses intendants et un nectar spécial pour récompenser les travailleurs adultes de leur motivation et de leur efficacité.

Pour les fourmis, cette entente requiert d’elles un taux très élevé de rendement. Elles parcourent l’empire de leur hôte pour chasser les indésirables, nettoyer son environnement de tout ce qui pourrait lui nuire et utiliser ses ressources et nutriments. Par conséquent, c’est autant dans l’intérêt des fourmis de s’assurer que l’arbre soit prospère que ce l’est pour l’
Acacia de conserver ses travailleurs heureux, entrepreneuriaux et productifs. Ils pratiquent ce que l’on peut appeler « l’altuisme-égoïste ».

En effet, puisqu'il y va de l'intérêt des membres de chaque espèce donner le meilleur d’eux pour assurer leur survie et leur évolution, ils démontrent une ténacité et une créativité surprenantes. Innovateurs et capables de faire des choix, ils coopèrent entre eux, créent des alliances stratégiques avec d'autres espèces, pratiquent synergie et mutualisme, et arrivent parfois à transformer leur apparence physique et leur comportement stratégique de manière spectaculaire.

Beaucoup d’organisations profiteraient d’imiter la Nature dans la gestion de leurs ressources humaines. Peter Drucker soutient que : « …si les entreprises veulent continuer de prospérer, elles doivent éliminer les obstacles à la productivité, à la motivation et à la créativité. »


En fait, avec l’évolution rapide des technologies de l’information et de l’avènement du web 2.0, les relations hiérarchiques classiques, inadaptées au rythme des changements, se transforment pour faire place à de nouveaux processus de coordination et de coopération en entreprise. Depuis quelque temps, on assiste donc à la naissance de modèles de gouvernance qui permettent à une organisation de se comporter comme un organisme vivant, de s’organiser. Ceci requiert cependant une bonne gestion des relations entre les différentes composantes de cet écosystème dynamique.

Or, en coordonnant les ressources et la qualité, en décloisonnant les différents unités et en intégrant la notion d’altruisme-égoïste dans leurs modes de gestions, les leaders peuvent ainsi mobiliser le capital créatif et l’intelligence collective autour des objectifs de l’entreprise. Cette mobilisation repose ainsi sur leur capacité à encourager le travail en équipe et le partage des connaissances.

Voici certaines conditions essentielles à son succès :
  1. Des règles et des pratiques favorables à la coopération et à l’innovation. Pour être performantes, elles doivent aussi inciter au développement d’attitudes entrepreneuriales, à la communication ouverte et à l’apprentissage continu.
  2. Un leadership créatif. La première qualité d’un leader se doit d’être la créativité. En effet, pour diriger des systèmes collaboratifs dans un environnement de plus en plus complexe et interconnecté, il doit assurer la fluidité de l’information et mobiliser l’intelligence collective en innovant sur les processus d’interactions. La créativité du leader est donc un facteur clé dans la maitrise de l’environnement et dans l’exercice d’une politique d’incitation et d’influence.
  3. Le développement du capital créatif. Au-delà des compétences reconnues par l'organisation, chaque collaborateur est porteur d'un potentiel créatif qui doit être développé et mis à contribution. La formation et l’accompagnement visant à soutenir l’amélioration constante de leur performance facilitent le regroupement de gens de divers milieux, talents et habiletés et la création d’équipes cohésives.
  4. La responsabilisation des collaborateurs permet un partage et un échange sur la compréhension des enjeux, les processus d'action, et la création de ces visions. Dans cette perspective, les comportements autonomes reposent sur les notions de réciprocité, d’ajustement mutuel et de coopération.
  5. Une vision claire, des objectifs précis et les ressources qui permettent de contenir et de canaliser l’intelligence collective autour des objectifs de l’organisation et d’assurer un travail de qualité.
  6. Le partage du savoir. Le fruit d’interactions constantes, le partage du savoir se produit dans une dynamique de communication, d'expression et d'initiative qui débouche sur une création collective. Il s’appuie sur des acteurs autonomes qui partagent des ressources et des informations communes.
Si nos organisations calquent leurs actions sur les modèles créatifs de gestion de la Nature, elles bénéficieront de l’esprit d’équipe et de la créativité de tous leurs collaborateurs. Cette forme de mutualisme et d’altruisme-égoïste augmente la productivité de l’organisation et profite à chacun de ses membres, tout en assurant une prospérité collective.